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Attendre le printemps

Modifié le : 2019/07/17

Le vide de février et la plon­gée dans l’ordinaire d’une vie pas­sa­gère, j’y reviens ; je n’avais peut-être jamais quit­té ce pré­sent immo­bile après tout. Après les émo­tions du lan­ce­ment, je rêve avec mes tripes, nour­ri des bonnes paroles que je reçois chaque jour, au fur et à mesure que les proches ter­minent la lec­ture. On semble aimer, on m’envoie des fleurs et elles ne sont pas feintes. Sur ce plan, les poli­tesses bien­veillantes sont déce­lables, qu’on ne s’y méprenne pas. Un auteur angois­sé sait lire entre les paroles. Je ne veux pas qu’on fasse sem­blant. Mieux vaut se taire que ten­ter de me faire plai­sir. Pour le moment, ça va donc. Le livre passe.

Voi­là, oui, je rêve. Un livre, sor­ti en même temps que moi, chez le même édi­teur, a été remar­qué par un jour­nal en vue. Qu’en sera-t-il du mien ? L’a‑t-on déjà écar­té ? Il est encore trop tôt pour le dire. Il me faut être patient (comme j’ai appris à l’être depuis trois ans). Fra­gile, le bon­homme, la rai­son bien froide, le contrôle de soi bien en vue, les res­pi­ra­tions très pro­fondes, ayant déjà annon­cé que ce serait de l’extra si une cri­tique sur­ve­nait, le deuil est déjà entre­pris, la rivière déjà tra­ver­sée. Si, dans quelques mois, rien ne se dit, on ne me ver­ra pas sour­ciller. Ça, comme pour l’amour, ça se gère dans le secret de mes entrailles.

Mais…

Mais je me cogne la tête au mur du ciel.

Le silence est reve­nu telle une caverne gon­flée d’incertitudes. Je me sur­prends à lan­cer les yeux vers l’horizon, à deman­der un signe, une petite acco­lade. On a beau vou­loir se déta­cher des mon­da­ni­tés et des flat­te­ries, la gloire, c’est aus­si comme l’amour, on en salive de désir.

Mais qu’en est-il jus­te­ment de l’amour ? Pfff. Il est là, peut-être pas comme je le vou­drais, peut-être comme il se doit. D’autres souffrent plus que moi. Alors, faut arrê­ter de geindre et reprendre une pro­fonde et bruyante res­pi­ra­tion, expul­ser dou­ce­ment l’air, entendre son corps entre­te­nir son exis­tence. Tout cela n’est que pro­messe, gloire, amour, paix. Tout cela n’est que du bon­heur, des petites perles d’air jalon­nant les pré­cieuses heures. N’est que ? Puisque j’écris tout haut ce que je pense tout aus­si haut, je m’enlise.

C’est le para­doxe. Le verre moi­tié plein, moi­tié mort. La vie moi­tié ter­mi­née, moi­tié à vivre. Tou­jours cette prière à com­prendre et à semer. Mon jar­din som­meille, j’attends le prin­temps. Encore une fois. C’est ça, être en vie. Être envieux.

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