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Cinquante pour cent

7 avril 2013

J’ai franchi ce matin le cap des cinquante pour cent de révision. Les Mailles sanguines comporte 81 chapitres ou scènes variant d’une à une dizaine de pages. Toujours muni des pages révisées par Perig, qui me remet ses corrections tous les mardis, à notre rencontre de chorale, j’ouvre le logiciel Scrivener, relis des passages, m’attarde surtout aux éléments relevés par Perig.

Une fois un chapitre terminé, je le sauvegarde en format Word dans un répertoire intitulé « fait ». Scrivener permet également la synchronisation avec un autre logiciel et un site Web : Simplenote. Ces mêmes chapitres se retrouvent donc dans un nuage que je récupère avec mon iPad. Si je suis en métro, dans un café, je peux ainsi poursuivre le travail. Quand je reviens à la maison, je refais une synchronisation entre Simplenote et Scrivener.

Je n’ai aucune difficulté à écrire dans un lieu public, à moins qu’une musique trop discordante ne vienne combattre les rythmes intérieurs. Je considère que j’ai vraiment commencé à écrire lors de ma première grosse blessure d’amour. C’était en 1981, je l’ai déjà raconté ailleurs. Ma peine, grosse comme un cliché, m’incitait à fuir un appartement où une ambiance trop douloureuse régnait. Je me réfugiais parmi les gens, les badauds.

Tapi dans l’ombre d’un coin de table, je me suis mis à épier les gens et à me raconter des histoires. Maintenant, en bon adulte, je traîne mes lubies avec moi, et j’arrive à inventer, non pas de toutes pièces, mais tout de même à créer des personnages. Jamais pour autant ne pourrai-je me séparer de la réalité. Il y a trop de gens autour de moi qui me racontent, sans le vouloir, leur vécu, qui partagent des regards, des sourires, des angoisses et des vices. Trop d’hommes qui me racontent, sur le Net, leurs profondes pulsions, leurs inadéquates réponses face à la douleur.

Pas plus tard qu’hier, un gars me racontait son tourment. Son amoureux, tout juste sorti du placard, ayant des enfants, décide de vivre pleinement sa vie. Entendez qu’il ne veut pas être encore fidèle, qu’il a donc une vie à vivre, qu’il veut rester ami, blah, blah. Les gens, même s’ils sont bons, sincères, demeurent égoïstes.

Un autre qui me raconte qu’il a chopé la syphilis et qu’il doit avertir ses derniers amants, honteux. Ce n’est pourtant pas de ta faute, que je lui dis. On a beau faire attention, des virus et des bactéries profitent de notre désir aveuglé d’être aimé pour se glisser d’une peau à l’autre. Il m’a remercié, comme si je venais de lui donner l’absolution.

Et je ne parle pas encore de toutes ces histoires que j’ai entendues, provenant autant de femmes que d’hommes, de tout ce qui n’est que faiblement dit, ou pas du tout, seulement tu, car c’est trop compliqué.

Bref, j’en suis à cinquante pour cent de la révision de ma petite histoire inventée. Dans un an, ou peut-être un peu avant, il me faudra en chercher une autre.

Il n’est pas vrai que tout a été dit en littérature, puisque tout recommence, que les couleurs de la vérité se transforment comme se forment les plaques tectoniques, comme naissent les étoiles et meurent les cœurs.

Cinquante pour cent. Belle coïncidence, ce quarantième chapitre intitulé « Le testament » est une scène pivot. Je n’ai pas fait exprès. Il y a sans doute, chez moi, un désir de géométrie, d’ordonnancement. Et suis heureux que les choses ainsi arrivent en ce moment. J’en avais réellement besoin.