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Cinquante pour cent

Modifié le : 2019/07/27

J’ai fran­chi ce matin le cap des cin­quante pour cent de révi­sion. Les Mailles san­guines com­porte 81 cha­pitres ou scènes variant d’une à une dizaine de pages. Tou­jours muni des pages révi­sées par Per­ig, qui me remet ses cor­rec­tions tous les mar­dis, à notre ren­contre de cho­rale, j’ouvre le logi­ciel Scri­ve­ner, relis des pas­sages, m’attarde sur­tout aux élé­ments rele­vés par Perig.

Une fois un cha­pitre ter­mi­né, je le sau­ve­garde en for­mat Word dans un réper­toire inti­tu­lé « fait ». Scri­ve­ner per­met éga­le­ment la syn­chro­ni­sa­tion avec un autre logi­ciel et un site Web : Sim­ple­note. Ces mêmes cha­pitres se retrouvent donc dans un nuage que je récu­père avec mon iPad. Si je suis en métro, dans un café, je peux ain­si pour­suivre le tra­vail. Quand je reviens à la mai­son, je refais une syn­chro­ni­sa­tion entre Sim­ple­note et Scrivener.

Je n’ai aucune dif­fi­cul­té à écrire dans un lieu public, à moins qu’une musique trop dis­cor­dante ne vienne com­battre les rythmes inté­rieurs. Je consi­dère que j’ai vrai­ment com­men­cé à écrire lors de ma pre­mière grosse bles­sure d’amour. C’était en 1981, je l’ai déjà racon­té ailleurs. Ma peine, grosse comme un cli­ché, m’incitait à fuir un appar­te­ment où une ambiance trop dou­lou­reuse régnait. Je me réfu­giais par­mi les gens, les badauds.

Tapi dans l’ombre d’un coin de table, je me suis mis à épier les gens et à me racon­ter des his­toires. Main­te­nant, en bon adulte, je traîne mes lubies avec moi, et j’arrive à inven­ter, non pas de toutes pièces, mais tout de même à créer des per­son­nages. Jamais pour autant ne pour­rai-je me sépa­rer de la réa­li­té. Il y a trop de gens autour de moi qui me racontent, sans le vou­loir, leur vécu, qui par­tagent des regards, des sou­rires, des angoisses et des vices. Trop d’hommes qui me racontent, sur le Net, leurs pro­fondes pul­sions, leurs inadé­quates réponses face à la douleur.

Pas plus tard qu’hier, un gars me racon­tait son tour­ment. Son amou­reux, tout juste sor­ti du pla­card, ayant des enfants, décide de vivre plei­ne­ment sa vie. Enten­dez qu’il ne veut pas être encore fidèle, qu’il a donc une vie à vivre, qu’il veut res­ter ami, blah, blah. Les gens, même s’ils sont bons, sin­cères, demeurent égoïstes.

Un autre qui me raconte qu’il a cho­pé la syphi­lis et qu’il doit aver­tir ses der­niers amants, hon­teux. Ce n’est pour­tant pas de ta faute, que je lui dis. On a beau faire atten­tion, des virus et des bac­té­ries pro­fitent de notre désir aveu­glé d’être aimé pour se glis­ser d’une peau à l’autre. Il m’a remer­cié, comme si je venais de lui don­ner l’absolution.

Et je ne parle pas encore de toutes ces his­toires que j’ai enten­dues, pro­ve­nant autant de femmes que d’hommes, de tout ce qui n’est que fai­ble­ment dit, ou pas du tout, seule­ment tu, car c’est trop compliqué.

Bref, j’en suis à cin­quante pour cent de la révi­sion de ma petite his­toire inven­tée. Dans un an, ou peut-être un peu avant, il me fau­dra en cher­cher une autre.

Il n’est pas vrai que tout a été dit en lit­té­ra­ture, puisque tout recom­mence, que les cou­leurs de la véri­té se trans­forment comme se forment les plaques tec­to­niques, comme naissent les étoiles et meurent les cœurs.

Cin­quante pour cent. Belle coïn­ci­dence, ce qua­ran­tième cha­pitre inti­tu­lé « Le tes­ta­ment » est une scène pivot. Je n’ai pas fait exprès. Il y a sans doute, chez moi, un désir de géo­mé­trie, d’ordonnancement. Et suis heu­reux que les choses ain­si arrivent en ce moment. J’en avais réel­le­ment besoin.

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