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Comprendre la vie après la mort

Franz von Stuck • Helios

Je n’aurais cer­tai­ne­ment pas lu ce livre si cela n’avait pas été d’une recom­man­da­tion du phi­lo­sophe Ber­nar­do Kas­trup. Déjà que le titre peut en faire sour­ciller plus d’un – Why an After­life Obvious­ly Exists : A Thought Expe­riment and Rea­ler Than Real Near-Death Expe­riences (Pour­quoi une vie après la mort existe évi­dem­ment : une expé­rience de pen­sée et des expé­riences de mort immi­nente plus réelles que réelles) –, et la cou­ver­ture est réso­lu­ment bonbon.

L’auteur pro­pose une expé­rience de pen­sée (thought expe­riment) se résu­mant un peu sim­ple­ment ici par ceci :

Ima­gi­nez une pièce conçue par une équipe de scien­ti­fiques géniaux et infi­ni­ment finan­cés par des ultra riches. C’est que, voyez-vous, le pro­jet est pha­rao­nique. De cette pièce, per­sonne ne peut entrer sans qu’on l’y invite. Le mode d’entrée est secret tout comme la sor­tie. Il est impos­sible de contour­ner le sys­tème. La pièce est un chef d’oeuvre tech­nique. Il est aus­si impos­sible de savoir qui pour­ra entrer dans la pièce.

La sélec­tion est aléa­toire, scien­ti­fique. On n’omet aucune couche de la socié­té, aucune région de la pla­nète, aucun sta­tut social, aucun type de per­son­na­li­té, des gens en san­té, des gens malades, des fous, des poètes, des poli­ti­ciens, etc.

Per­sonne ne connaît ce qui se trouve dans la pièce, pas même les scien­ti­fiques. On ne sait d’ailleurs s’il y a vrai­ment quelque chose. Le conte­nu a été conçu par une intel­li­gence arti­fi­cielle dont la mémoire a été par la suite effa­cée (ici, j’extrapole l’exemple de l’auteur). L’IA avait tous les moyens pour inven­ter quelque chose (c’est pha­rao­nique, je vous dis).

L’expérience dure des années. Les gens entrent, passent un temps dans la pièce et sont par la suite rame­nés en dehors. Tout ce qu’on leur demande par la suite est de rela­ter ce qu’ils ont vu. Pré­ci­sons qu’il y a quatre types de « visites ».

  1. On donne à une per­sonne tout ce qu’il faut et suf­fi­sam­ment de temps pour visi­ter la pièce.
  2. On donne à une autre tout ce qu’il faut pour visi­ter la pièce, mais très peu de temps pour le faire.
  3. On donne peu de temps à la per­sonne, mais avec les moyens pour explorer.
  4. On donne très peu de temps et très peu de moyens pour le faire.

On va me dire, tout cela est impos­sible. On se trompe, tout cela l’est dans une expé­rience de pen­sée. Beau­coup de décou­vertes sont nées de telles expé­riences. Mais bon, reve­nons à nos scien­ti­fiques et leurs riches sponsors.

On col­lige au fur et à mesure les résul­tats. Il appert que tous, sans excep­tion, mais à des degrés divers, relatent la même chose.

  1. L’expérience était sai­sis­sante, plus réelle que réelle.
  2. Beau­coup ont vu un élé­phant rose dans la pièce.
  3. Pour cer­tains, voir l’éléphant a été ter­ri­fiant, mais la plu­part ont été fas­ci­nés et en sortent res­sor­tis changés.
  4. Les gens des deux pre­mières caté­go­ries ont vécu plus clai­re­ment l’expérience que les autres.

Nos savants sont per­plexes, car ils ne s’attendaient pas vrai­ment à cela. Un élé­phant rose, ça n’existe pas, et com­ment se fait-il que cela fasse autant d’effet sur les gens ? Cer­tains trouvent autre chose qu’un élé­phant et plus on entrer des gens, plus cela devient confus, mais en extra­po­lant les expé­riences, on peut rame­ner à des constantes.

  1. Une chose mer­veilleuse existe.
  2. C’est une expé­rience qui dépasse ce qui est per­çu dans un rêve ou durant une hallucination.

On devine sans doute le rap­pro­che­ment avec le thème trai­té dans le livre.

  1. Des mil­liers, voire des mil­lions, chaque année, mais aus­si à tra­vers les siècles, ont vécu une expé­rience de mort immi­nente (EMI ou NDE en anglais : near death expe­rience).
  2. Ces gens pro­viennent de tous les hori­zons et milieux et ont vécu leur expé­rience de manière tout aus­si aléatoire.
  3. Dans la recherche entou­rant l’expérience de ces gens, on peut éta­blir une échelle mesu­rant diverses condi­tions défi­nis­sant l’EMI. Le total est sur 32 : 
    1. L’expérience pro­fonde (24−32 points)
    2. L’expérience médiane (15−23 points)
    3. L’expérience sub­tile ou flue (7 ‑14 points)
    4. L’expérience non concluante (0−6 points)

Les résul­tats sont les sui­vants et sont bien sûr gra­dués par l’amplitude de l’expérience :

  1. Les gens vivent une réa­li­té qu’ils qua­li­fient de plus réelle que réelle. Ce n’est pas comme dans un rêve. Tout semble logique, clair, imperturbable.
  2. Tout est lumi­neux, sublime.
  3. Il y a d’autres gens, des êtres.
  4. Les gens ayant eu des scores de plus de 23 points sont convain­cus de l’existence de la vie après la mort. Ceux entre 14 et 23 en sont aus­si pas­sa­ble­ment certains.
  5. Même ceux ayant eu un poin­tage de 7 à 14 sont ébranlés.

Le but de ce livre n’est pas, mal­gré le titre qui semble dire le contraire, de prou­ver que la vie après la mort existe, car l’expérience de mort immi­nente sou­lève plus de ques­tions que de réponses. L’auteur sug­gère qu’il ne serait pas du tout irra­tion­nel d’écouter ce que ces gens ont à dire, puisque leurs témoi­gnages vont dans le même sens.

Le livre se lit bien, le ton est posé, sans arti­fice. L’homme est phi­lo­sophe, nous invite à écouter.

Ceux qui reviennent de telles expé­riences doivent vrai­sem­bla­ble­ment fil­trer avec l’ignorance de leur mot le large éven­tail de leur vécu. Il sem­ble­rait que beau­coup se taisent car ils ne savent expri­mer ce qu’ils ont vécu ou parce qu’ils sont la risée de tous.

Moi, je veux bien les entendre, ces gens. Je me sens tou­te­fois Job et je me plains déjà. Pour­quoi donc cela exis­te­rait-il ? Pour­quoi doit-on souf­frir, jouir, pleu­rer, rire en ce bas monde si c’est pour retour­ner au bout du compte dans un uni­vers plus mer­veilleux que tous les para­dis ? Pour­quoi ce cycle, cette chute et cette mon­tée ? Trop de bon­heur là-haut, on s’y ennuie ? Bien des reli­gions ont ten­té de for­mu­ler des expli­ca­tions qui se cassent tou­jours sur le rocher de l’incompréhension ultime.

Et la mouche que je viens d’assommer au point que son petit coeur s’est arrê­té un temps avant de recom­mence à battre, qu’a‑t-elle vécu, elle ? La même lumière ?

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