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Le chaos de nous tous

Modifié le : 2016/09/26

Le cré­pus­cule déjà, l’automne déjà. Lorsqu’on marche avec l’horloge du ciel, l’ordonnancement des choses nous semble nor­mal sans être ni trou­blant ni paci­fiant. Je sor­tais de mon cours de chant, j’ai regar­dé le soleil qui n’était déjà plus qu’une lueur sur un nuage lan­ci­nant, peut-être annon­cia­teur de pluie.

Le cours de chant, comme d’habitude, fut révé­la­teur. Il me trans­forme, sculpte patiem­ment ma voix ou les pas­sions. Cette fois où le cré­pus­cule m’attrapait, mon pro­fes­seur avait vou­lu que je m’extériorise sur une mélo­die de Tchaï­kovs­ki. « Je pioche sur le pia­no pour te pous­ser plus loin. » J’avais bien com­pris son inten­tion et j’ai ten­té, tant bien que mal, d’être cette âme tour­men­tée de l’amant bafoué que le com­po­si­teur avait si sim­ple­ment et puis­sam­ment ciselée.

Mais voi­là, à cin­quante-sept ans, j’ai du mal à vivre ce type de pas­sion roman­tique et biblique. Je peux com­prendre que l’âme se plaigne, je peux éga­le­ment très bien accep­ter les rai­sons qui poussent Job à défier Dieu. Après tout, le désordre nous fait peur. Or, mon incom­pré­hen­sion est sans doute ailleurs. Je ne sais.

Avant que je dérive vers le chant, mon pro­jet en écri­vant aujourd’hui était plu­tôt de dis­cou­rir sur le chaos. J’ai certes déri­vé, mais je le fis à escient. J’ai vision­né ces jours-ci un docu­men­taire de la BBC, The Code, pré­sen­té par le mathé­ma­ti­cien Mar­cus du Sautoy.

La série révèle un code numé­rique caché qui sous-tend toute la nature. La série se com­pose de trois épi­sodes, qui explorent la façon dont le monde qui nous entoure est conforme et peut être expli­quée par des codes mathé­ma­tiques. Le pre­mier épi­sode “Num­bers” révèle com­ment les nombres signi­fi­ca­tifs appa­raissent par­tout dans le monde natu­rel. Le deuxième épi­sode “Formes” découvre les motifs cachés qui expliquent la forme du monde qui nous entoure. Et le troi­sième et der­nier épi­sode “Pre­dic­tion” regarde le monde bizarre de ce qui se passe ensuite.

(Source)

Tout comme ce pro­fes­seur au nom fran­çais et pour­tant très bri­tish, j’ai tou­jours été fas­ci­né par la géo­mé­trie, les mathé­ma­tiques. Je ne suis pas scien­ti­fique pour deux sous et c’est une rai­son pour­quoi je reste atta­ché à une forme d’astrologie que des cer­veaux plus sen­sés rejetteront.

Le deuxième épi­sode de cette série est par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sant. Pour­quoi les alvéoles des abeilles sont des hexa­gones ? Pour­quoi le sel forme des cubes ? Pour­quoi les dunes sont gou­ver­nées par le nombre PI ? Pour­quoi les bulles se joignent si aisé­ment ensemble par des parois planes ?

Je suis d’autant friand de ces réponses que ma propre vie est une forme de chaos plus ou moins per­sis­tant. Ce chaos est décrit dans le troi­sième épi­sode. Com­ment retrou­ver un tueur en série par la seule mathé­ma­tique des empla­ce­ments de ses crimes ? Com­ment une foule arrive à devi­ner avec une pré­ci­sion de 1 % les quan­ti­tés de jujubes dans un bocal ?

Nous, les petits atomes d’une exis­tence chao­tique, par­ti­ci­pons à la méta­mor­phose du temps. Il me plait de consi­dé­rer les rela­tions humaines de la même façon. Deux êtres se touchent, ils cher­che­ront le point d’ancrage le plus éco­no­mique, une paroi com­mune. S’ils doivent élar­gir le cercle, ils adop­te­ront une autre stra­té­gie, une autre géo­mé­trie. Tan­tôt il en résulte des alvéoles bien construites et stables, tan­tôt la foule devient trop dense et notre des­tin nous échappe alors entiè­re­ment, notre intel­li­gence n’étant deve­nue qu’un synapse relayeur et passif.

Je conti­nue de mar­cher, à regar­der la construc­tion du monde. Mon exis­tence n’est pas une ligne droite, elle est gou­ver­née par l’effet papillon de mes gestes et de vos gestes, de la météo, des che­mins, des équa­tions mathé­ma­ti­que­ment natu­relles et bien pensées.

En arri­vant près du métro, mon regard s’est attar­dé sur le court de ten­nis illu­mi­né en ce début de soi­rée fraîche. Sub­ju­gué par la beau­té de l’endroit, j’ai sor­ti mon télé­phone afin de cap­ter la pai­sible symé­trie du moment.

Je conti­nue­rai à mar­cher, car j’ai faim d’ordre dans ma vie toute en prières.

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