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Le printemps, lentement

Modifié le : 2016/09/18

Le prin­temps, tout len­te­ment, arrive à ses fins. L’hiver a éti­ré sa gui­mauve plu­vieuse et froide jusqu’à ce que les arbres, tout de même, ain­si que les jon­quilles, les cro­cus, les mouches, et quoi encore, réus­sissent à cla­mer leur aire de jeu.

De mon côté, la sai­son froide semble per­sis­ter sur mes espoirs de voir les choses avan­cer. Le livre est aux mains de l’éditrice, les finances demeurent fra­giles. Tout résiste, tout est à flot. Je suis entou­ré d’amour et d’amitié, j’ai un bon job, je per­siste à suivre des cours de chant. Rien donc à signa­ler si ce n’est que mes heures sont un constant lâcher-prise. Les choses arri­ve­ront bien quand il le fau­dra, c’est-à-dire quand per­sonne ne le déci­de­ra. Mon cœur est calme et tour­men­té, comme à son habi­tude, ma vision en brous­sailles, mes yeux fatigués.

Quoi dire d’autre ? Que je marche tou­jours pour me rendre à l’ouvrage, que la mou­vance des arbres imprègne mes sens, que ma propre res­pi­ra­tion me chante les marées de l’existence. Par­fois, quand je prends le métro, l’autobus, je regarde les gens qui ne me regardent pas, occu­pés à ces autres réa­li­tés qui forment le jar­din de leurs heures.

Nous sommes si nom­breux à vivre et à ne pas nous connaître. Quand je dis­cute avec des hommes, sur Inter­net, je res­sens la même sen­sa­tion du vivant, certes sou­vent plus crue et directe, puisque sur ces réseaux, le sexe est dans toutes les conver­sa­tions, les bouches, les oreilles. Je m’étonne alors de la grande dif­fé­rence de niveau, entre ces hommes en rut d’amour et d’amitié et ces gens, dans le métro, si silen­cieux et opaques.

Mais il s’agit tout de même du vivant, ce grand mys­tère qui m’échappera bel et bien un jour, quand je ne m’y atten­drai peut-être pas, comme il en fut ain­si pour cette pauvre jeune femme sur sa bicy­clette, comme il en fut ain­si pour tous ces gens qui ont peu­plé l’histoire humaine et qui la peu­ple­ront bientôt.

Mon cœur bat. J’entends son écho sur les parois de mon étroite suf­fi­sance. Mes rêves, ô mes rêves sont si libres dans mes nuits. N’est-ce pas là notre plus grande frus­tra­tion ? Que, dans l’imaginaire, tout est pos­sible, voire éter­nel ? Je me dis­ci­pline à conser­ver l’espoir de l’extase. Et j’essaie de rêver constam­ment. Quand je marche, quand je dors, quand je tra­vaille, quand j’ai peur, quand j’oublie. Per­sonne ne peut vivre à ma place, per­sonne ne peut crier dans cette caverne où je suis né, où je mourrai.

Heu­reu­se­ment que nos consciences pos­sèdent le sonar des chauves-sou­ris. Ain­si peuvent-elles voya­ger dans ce monde où toi, lec­teur, lec­trice, voles tout aus­si aveu­glé­ment. Nos ren­contres sont possibles.

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