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Les loose ends

Modifié le : 2019/07/14

Je ne sais com­ment tra­duire loose ends. Google Trans­late me donne extré­mi­tés libres, ce qui plus qu’ap­proxi­ma­tif. Les bouts lousses, ça ne fait pas très lit­té­raire. Comme si, de la lit­té­ra­ture, je pou­vais y écha­fau­der une quel­conque cer­ti­tude. Bouts lâches, c’est mieux, mais trompeur.

Je viens de relire le pré­cé­dent texte datant de déjà trois mois. Je n’ai rien écrit ici depuis ce temps. Il s’a­git bel et bien d’un mur. Ma vue ne voit que le ciment bien pris entre ces briques que sont les jours. Les choses vont tou­jours aus­si bien et aus­si mal. D’un côté la sta­bi­li­té sociale, pro­fes­sion­nelle, de l’autre l’in­sé­cu­ri­té du coeur, les évé­ne­ments bizarres, l’a­mour entre deux eaux, le roman qui s’en est retour­né d’où il était arri­vé, dans le silence de ce qui est accom­pli, les finances qui demeurent si pré­caires que je serai sans doute obli­gé de mettre en vente la mai­son en mars, les humains que j’ob­serve de mon mau­vais oeil, tan­tôt gen­tils, tan­tôt sur­pre­nants, qui se révèlent soit imbu­vables soit trom­peurs, mon ennui aus­si, mon silence et mon chant.

Il en va ain­si de mes lacets, tou­jours défaits, un grand mys­tère pour moi. J’ai bien­tôt cin­quante-sept ans et je ne par­viens tou­jours pas à conser­ver mes lacets atta­chés. On peut y voir la nature même de mon exis­tence, de ma pré­sence sur cette pla­nète. Prêt pour la marche, mais s’ar­rê­tant sou­vent pour refaire ce qui a été défait.

Mon mur, donc. J’ai une masse dans les mains. Je me demande qui vain­cra, le sort logique que mon des­tin me réserve ou ces bras qui veulent construire, recons­truire, tou­jours avan­cer, même s’ils doivent régu­liè­re­ment stop­per leur élan pour s’oc­cu­per des loose ends.

Mon mur, mon ennui. Je me dis depuis quelques jours que je suis un être ennuyant. Quand je reviens du bureau, j’ai ten­dance à conti­nuer mon tra­vail, à pro­gram­mer et à évi­ter ain­si le réel, mes bouts lâches comme ces imbé­ciles qui, pour stop­per l’ef­fron­dre­ment immi­nent de la digue ne trouvent pas mieux que de mettre leur doigt sur la cre­vasse plus grande que leur main.

Je ne sais trop quoi dire, inquiet, encore une fois à pleur­ni­cher durant le temps de Noël, livré à ma soli­tude et à mes décep­tions, deve­nu ours comme un moine, triste comme un adulte.

Fal­lait que ça sorte, c’est comme ça que le méchant sort.

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