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Les yeux fermés

Je dors beau­coup. C’est sans doute à cause de l’automne, des vacances, de la fatigue accu­mu­lée, de la peau qui se colore de cra­tères ver­na­cu­laires, du vieillis­se­ment, de la fin d’un monde, le mien ou le nôtre.

Je suis sou­vent immo­bile. C’est sans doute pour les mêmes rai­sons et aus­si parce que je ne sais ce qu’il faut faire main­te­nant. Il y a de ces jours et de ces nuits où j’ai le sen­ti­ment d’avoir fait le tour du jar­din, que tout ce que je pou­vais faire ou accom­plir l’a été, qu’aucune fleur n’est à cueillir, que mes pas m’auront fait tra­ver­ser les pay­sages et les voyages et que, sous eux, la Terre demeure la même.

Ma barque ondule sur un océan silen­cieux. Les yeux fer­més, j’ausculte les étoiles pla­quées contre la toile zodia­cale de mes pau­pières. Peut-être suis-je moi aus­si un astre qui éclaire le ciel vide de la réa­li­té, une luciole qui cherche une com­pagne et qui risque tout, même de se faire dévo­rer, afin d’accomplir sa mis­sion d’être un maillon de la chaîne.

Le temps, dit-on, n’est pas une flèche, mais tout de même une direc­tion. Il s’étire si cela devient trop grave, s’essouffle si on ne fait atten­tion à rien. Ne me reste-t-il plus main­te­nant qu’à attendre que les astres décident de quit­ter leurs posi­tions rétro­grades ? Qu’ai-je à vivre, à comprendre ?

N’est-il pas inutile de se poser ces ques­tions, car cela n’apporte aucun beurre sur notre pain ? Suis-je condam­né à ne vivre que de l’alimentaire ? De faire sem­blant ? D’attendre, portes fer­mées, la mon­tée d’un ultime ou pos­sible soleil ?

Mes yeux fer­més sont le spec­tacle d’un jour qui n’appartient qu’à moi. Mes yeux ouverts, des lunes qui cherchent à dépla­cer les marées.

Je dors beau­coup, je me réveille si peu. Encore est-il bon de l’écrire.

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Classé dans :yeux

Commentaires

  • Normand Sénéchal

    Normand Sénéchal %2020/%10/%07 %13:%Oct 0

    En plein dans le mille Guy...je me reconnais dans ce questionnement, tu as mis de bien plus beaux mots que je ne l'aurais pu...
    On traverse un temps d'introspection et ta plume rend la tienne universelle.
    ET les photos choisies et manipulées de la sorte sont oeuvre en soi.
    Bravô

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