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L'heure du présent

Modifié le : 2019/07/24

Le silence, par­fois, m’insupporte. Enten­dons par là la mort, ce néant invrai­sem­blable, ce pas au-des­sus du vide que l’âme finit par faire. Je ne crains pas la mort, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu, bien vilaine pré­ten­tion, délire orgueilleux, inca­pa­ci­té à relaxer devant le danger.

Lorsque, après voir pris le petit déjeu­ner, fait les ablu­tions, ter­mi­né la lec­ture des jour­naux, après la douche, les éter­nue­ments, après avoir cogi­té sur ce qu’aurais à dire mer­cre­di pro­chain au panel de la Fier­té lit­té­raire (l’homosexuel est-il le seul habi­li­té à écrire des per­son­nages homo­sexuels ? C’est quoi cette ques­tion ?), après avoir fait le tour de ce que je pour­rais faire durant la jour­née, le chant, le ménage, une pro­me­nade, de l’exercice, un site web pour la famille, la lec­ture, encore du ménage, sans oublier la construc­tion, le déla­bre­ment du salon, lais­sé en chan­tier. Après avoir été pla­cé devant toutes ces pos­si­bi­li­tés, je me contente, comme hier après-midi, de m’assoir dans mon lit, en fer­mant les yeux de fatigue.

J’ai certes trop tra­vaillé depuis des années. Le rythme fut sou­te­nu et puis main­te­nant, cette pause, cette incer­ti­tude. L’économie va mal, mes éco­no­mies vont mal.

Silence. Attente. Insouciance.

Et sou­pir. Ce n’est pas ain­si que Mar­gue­rite Your­ce­nar écri­rait (j’ai, sur la table de che­vet, deux de ses ouvrages. Ce que c’est impo­sant, un océan lit­té­raire comme le sien). Je me satis­fais, donc, de fer­mer les yeux, en espé­rant sans doute naï­ve­ment que ça pas­se­ra. N’y a‑t-il pas, à l’horizon, le soleil heu­reux d’une pro­chaine publi­ca­tion ? N’ai-je pas atteint mon but ?

Pour­quoi alors cette angoisse ? Pour­quoi cette peur du vide ? J’ai le cer­veau lim­bique d’un ado­les­cent et le lobe fron­tal d’un grand-père. Qu’on ne s’en fasse pas outre mesure, l’écrivain peut tout se per­mettre, sa lit­té­ra­ture res­semble à la marée. Ce sont les lunes qui commandent.

Je crois qu’il me manque un peu de voca­bu­laire en ce moment. J’ai cer­tai­ne­ment juste besoin de me repo­ser. Il n’y a pas, après tout, le feu. L’horloge pointe tou­jours l’heure du présent.

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