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Mercure Mapplethorpe

On m’a emme­né au Musée des beaux-arts, hier, pour voir l’exposition sur Map­ple­thorpe. Pho­to­graphe bai­gnant dans le dyna­misme new-yor­kais des années 70 et 80, l’homme s’est ren­du célèbre pour ses pho­to­gra­phies sexuelles provocantes. 

Je ne me com­pa­re­rai pas mes main­te­nant anciennes pho­to­gra­phies aux siennes, mais j’ai recon­nu l’expérience de prendre en pho­to les gens. Map­ple­thorpe disait que s’il avait vécu un siècle plus tôt, il aurait fait de la sculp­ture, la pho­to­gra­phie étant un moyen rapide d’arriver un peu au même résultat.

Il n’avait pas tort. J’ai tou­jours eu cette impres­sion, devant un modèle, de cher­cher la pose qui don­ne­rait sa juste valeur à sa per­son­na­li­té. En voyant beau­coup des por­traits qu’il a faits — Map­ple­thorpe pri­vi­lé­giait l’intimité d’un stu­dio — j’ai per­çu cette ten­ta­tive, par­fois mal­adroite, d’aller cher­cher un carac­tère uni­ver­sel à telle ou telle par­tie du corps.

J’ai été sur­pris de la pau­vre­té de la lumière dans les pho­tos de l’artiste. Il y a certes de magni­fiques œuvres, mais la lumière n’est pas pré­sente par­tout, le blanc étant sou­vent plus gris qu’autre chose et on sent que le trai­te­ment noir et blanc venait réchap­per des pho­tos moins réussies. 

Les thèmes de nombre des pho­to­gra­phies est la sexua­li­té, par­fois BDSM. Bisexuel, la sexua­li­té était pour lui source d’inspiration, ses pho­tos étant l’expression de cette quête. Pour lui, S&M ne vou­lait pas dire sadisme et maso­chisme, mais sexua­li­té et magie, affir­mant, comme bien sûr tout le monde le sait, qu’il y a dans l’acte sexuel une part du rite primordial.

J’ai, moi aus­si, pho­to­gra­phié des hommes nus, peint des tableaux avec leur corps, mis sur pel­li­cule numé­rique une inti­mi­té qui n’appartient qu’à leur modèle. J’ai des pho­tos que je ne pour­rai jamais mon­trer, car je n’ai fait signer aucune décharge (sans jeu de mots) à mes modèles. Je com­prends ce que Map­ple­thorpe fai­sait, mais contrai­re­ment à lui, je me suis las­sé de l’exercice. J’ai par­lé de mon expé­rience de pho­to­graphe dans mon livre Falaise. Le vieil Alfred était le modèle d’André. J’y relate un fait, une pho­to­gra­phie qui m’a été décrite. Elle aurait pu être faite par Mapplethorpe.

Le pho­to­graphe était le fruit de son époque. Même si un écri­teau lumi­neux nous aver­tis­sait à l’entrée d’une salle que celle-ci conte­nait du maté­riel adulte, il n’y avait rien à décou­vrir. C’était osé pour l’époque, ça pour­rait même lais­ser froid dans la nôtre. Pour un, Map­ple­thorpe aimait les grosses bites, la sienne était pas mal aus­si. Il s’est fait entrer une main dans le cul, car il essayait tout ce qu’il vou­lait pho­to­gra­phier. Il a donc pho­to­gra­phié une main dans un cul.

Je ne vou­drais pas réduire son art à cet aspect de sa pho­to­gra­phie. Il a pho­to­gra­phié bien d’autres choses, des artistes, des fleurs, des femmes aty­piques et des noirs trop typés diront ses cri­tiques les plus acerbes. Une expo­si­tion a fait scan­dale aux États-Unis. Il y a eu un épique com­bat pour la liber­té d’expression. Les artistes ont heu­reu­se­ment gagné. 

Il m’a fait pen­ser à Coc­teau, en plus triste, donc en plus contem­po­rain. Il recher­chait la per­fec­tion, la forme. Son génie était de pos­sé­der un regard qui ne por­tait pas de juge­ment, tel un Mer­cure obser­vant les ban­quets divins sans sourciller.

Après cette visite, nous sommes allés voir le nou­veau pavillon pour la paix du Musée des beaux-arts. Chan­ge­ment de ton, de regards. Les six étages sur­volent quelques grandes époques de l’histoire de la pein­ture. Le pavillon a été construit autour du don très géné­reux de Michal et Rena­ta Horn­stein. Il y a de belles croûtes, du por­trait d’aristos, des grands tableaux épiques, reli­gieux, tout comme il y a de magni­fiques œuvres, de grands noms. J’y retour­ne­rais bien volon­tiers voir ce pavillon.

Une scène m’a ému. J’aurais aimé mieux la cro­quer, mais le temps de prendre mon iPhone et le petit gar­çon des­si­nant un Schiele avait déjà pris une autre pose. Le gar­çon avait du talent et le contraste entre l’autoportrait du peintre et lui était saisissant.

Au fond, c’est ça, l’art, ce contraste que l’on crée entre son ima­gi­naire et la réa­li­té. Je devrais aller plus sou­vent au musée…

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