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Oublier

Modifié le : 2019/08/06

La mémoire est une facul­té qui oublie, et c’est tant mieux. L’anan­da­mide y est un peu pour quelque chose, une proche parente de la THC tant pri­sée chez les adeptes de la marijuana.

Si nous devions nous rap­pe­ler cha­cun de nos gestes, de nos regards, s’il fal­lait rete­nir tous les mou­ve­ments d’une foule, chaque bruit des routes, l’ensemble des paroles, nous ne tien­drions pas plus que quelques ins­tants avant de nous immo­bi­li­ser face à l’afflux des infor­ma­tions. Nous sommes donc fait pour oublier, pour tem­po­ri­ser et ne rete­nir que ce qui aura de signi­fi­ca­tion pour nous. Nous dis­cri­mi­nons pour mieux com­prendre, englo­ber, voire aimer.

Ce tra­vail se fait sans notre consciente super­vi­sion. J’en ai pour preuve nos rêves qui lèvent par­fois le voile sur ce qui se mijote dans cette soupe de sou­ve­nirs. Il s’y pro­mène des bêtes et des dieux qui ont échap­pé à notre vigi­lance. Notre monde per­son­nel se construit ain­si len­te­ment, sur des assises pru­dentes. Le des­tin nous sur­prend ensuite en bri­sant l’équilibre, en enle­vant cette carte, là, à la base de notre châ­teau de cartes. S’il est facile d’oublier, il est tout aus­si aisé de s’embrouiller.

Et si, en réa­li­té, le cer­veau rete­nait tout et qu’il pos­sé­dait cette puis­sance ver­ti­gi­neuse de pou­voir créer devant nous un monde cohé­rent ? À voir la Terre humaine tour­ner, il doit bien y avoir une expli­ca­tion de ce genre. Les gens oublient et se construisent de grands écha­fau­dages pour atteindre l’Espagne. La réa­li­té nous échappe et notre liber­té s’affole et pour­fend l’air, empri­son­née dans les ficelles qu’un(e) marion­net­tiste endor­mi ne cesse de tirer, lui-même esclave de ses sombres nuits.

J’aime ces laby­rinthes, même s’ils me font par­fois peur. Je ne me drogue pas, en fait un peu avec la caféine et l’alcool. Donc si peu. J’ai pour­tant une mémoire si sélec­tive qu’elle me sur­prend chaque fois qu’elle s’amuse sou­dain, et pour son seul appa­rent plai­sir, à recons­truire mes paroles. Je ne dois pas avoir, dans ma cer­velle, toute l’anandamide prescrite.

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