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Poussière et détritus

Ne nous a‑t-on pas déjà dit que nous étions pous­sière et que nous retour­ne­rions, à notre der­nier souffle, dans l’océan sablon­neux des petites choses ? Moi qui ai du mal à tout net­toyer, à effa­cer les traces, je remarque de plus en plus la matière lais­sée pour compte : les pelures d’oignon vouées au com­post, les grains de café qui s’échappent du mou­lin, la pâte col­lée à son bol qui ne devien­dra pas du pain. La matière ne semble pas plus consciente de son deve­nir que ça. C’est bien enten­du mon cer­veau alam­bi­qué qui note sa sup­po­sée des­ti­née. Il me vient tout de suite à l’esprit les morts quo­ti­diens de la pan­dé­mie, les mul­tiples jouis­sances qui se dis­solvent dans des uté­rus asyn­chrones ou à l’intérieur de mou­choirs ou d’animaux de cir­cons­tances. Je pour­rais éga­le­ment y inclure les rires inutiles, les actes lan­cés dans le vide, le temps per­du à ne rien faire ou à tout faire de tra­vers. Il ne me fau­drait pas oublier cepen­dant les richesses de nos inven­tions, la force obs­ti­née de notre volon­té de vivre, les arts, les chants, les cris des mères, des enfants, des poètes. Il ne fau­drait pas non plus pas­ser sous silence les légions d’espèces, les insectes et les bac­té­ries, le tur­bu­lent bouillon de la Créa­tion, cette grande incon­nue à qui l’on voue un res­pect et un dés­in­té­rêt sans bornes.

Rien ne se perd, semble-t-il. Rien ne se crée non plus ?

Grains infimes, nous sommes, et c’est du cumul de nos exis­tences que se gonfle l’océan de nos mani­fes­ta­tions. Les étranges atomes for­mant l’univers s’agglutinent en nous, en eux, en ces choses. Le miracle pro­vient de ce chaos qui se dévore lui-même avec un plai­sir à la fois sain et diabolique.

On n’y peut rien, c’est cer­tai­ne­ment le meilleur espoir que l’on peut four­nir afin de pour­suivre cette aven­ture qui nous échappe.

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